L’inconscient comme un rébus

Certains évènements de la vie réelle peuvent être regardés avec les lunettes de l’inconscient.
OK. Et avec ça on fait quoi ?

Avec ça, on va laisser apparaître les rapports. Gentiment.
En l’occurrence, les rapports qui existent entre nos actes manqués, nos pépins, et nos tensions non résolues.

Voici quelques astuces, pour commencer.

PS : ça vaut aussi pour l’angoisse.

 

Actes manqués, situations sorties de nulle part, étranges accidents. Dans les précédents articles, nous avons envisagé comment tout cela n’est pas forcément le fruit d’un improbable hasard. Comment, parce que ça nous arrive à nous, parce que ça nous arrive maintenant, cela peut « faire sens ».

Voici un point de vue sur cela, forcément partiel, orienté (car centré sur le langage verbal), mais qui pourra donner une idée du type de logique à l’œuvre dans l’inconscient. (1)

Le « rébus » de l’inconscient

Des évènements qui convergent, qui nous arrivent dans la même période, dans les mêmes circonstances, jouent un rôle de révélateur. Révélateur de ce qui se passe en nous à un niveau inconscient.

On pourra parler, selon le point de vue que l’on adopte, de coïncidence, de symptôme, de synchronicité

Dans tous les cas, cela témoigne qu’un conflit est en attente de résolution.

L’inconscient, organisé sur des degrés de complexité inaccessibles tels quels à la conscience ordinaire, va décliner, saupoudrer son contenu sur notre perception courante.

Le rapport entre ces évènements sera d’ordre analogique. Il va fonctionner comme une métaphore, en s’appuyant sur des points communs entre des objets, des situations, des lieux, des personnes. Des points communs qui ne sautent pas aux yeux d’emblée mais que notre inconscient trouve évidents, et dont il s’emparera avec un grand opportunisme.

Un inconscient « structuré comme un langage » ?
Pourquoi pas, si c’est le langage des extraterrestres dans Premier contact : hyper-englobant, et d’une densité incommensurable à nos langages ordinaires.

Tâchons dès lors de « raisonner comme l’inconscient ».

Commençons par défaire ses jeux de mots, c’est une bonne porte d’entrée.
Voyons du côté des verbes : qu’a-t-on fait ? A-t-on « laissé tomber » quelque chose ? A-t-on mis quelque chose « à l’envers » ? A-t-on fait « déborder » ? Et ainsi de suite.

Les façons de dire les choses ont leur raison d’être. Il y a une intelligence du langage qu’il ne faut jamais négliger, surtout quand ça semble « trop évident ».

On se blesse, on a mal quelque part ? Voyons du côté des proverbes et expressions courantes : « Ça tire au flanc », « Ça casse les pieds », « En avoir plein le dos » (grand classique des arrêts de travail pour cause de lombalgie)… (2)

Un objet est impliqué dans l’acte manqué ? Voyons à quoi il sert. À se déplacer, à communiquer, à se protéger, etc. ?

Idem avec les personnes concernées, concrètement ou symboliquement. Quelle est leur fonction ? Et si on le dit en termes encore plus généraux ?

Avec les lieux. C’est des endroits où on peut faire quoi ? Où on trouve quoi ?
Est-ce que ça nous rappelle quelque chose ?

Ce serait déjà un très bon début.
Simplement envisager que ça soit possible.
Se poser un instant et dire « Ça peut avoir un rapport avec quelque chose… ».

Entrouvrir une fenêtre.
Puis laisser agir.
Dans un premier temps, l’important c’est le processus.
Ne pas s’arrêter à : « Pfff ! Je vois pas. Rien ? ».
Laisser résonner.

Y revenir de temps en temps.
Pas de problème si aucune « réponse » ne vient.
On n’est pas à Questions pour un champion.

 

Javier Pérez 400

Émotion = inconscient profond

Les moments où l’émotion est particulièrement vive, présente, active, surprenante, ce sont des moments où l’on sent que l’on doit prêter une attention particulière à ce qui nous arrive. Quand on est inhabituellement émotif, c’est probablement que l’inconscient s’agite, pour des raisons qui lui appartiennent.
Cela veut dire que des grilles de perception généralement en dormance vont être davantage mobilisées. (3)

Ce qui se présentera à nous sera alors, comme en rêve, représentant de quelque chose de plus. De plus vaste, de plus général, de plus fondamental.

ex. : La boulangère sera peut-être, sur un certain plan, une sorte de figure de la Fécondité, de l’Abondance (ou de notre maman quand on était petit-petit, vous voyez le rapport)… Le facteur, un messager mystérieux, qui nous apporte de redoutables nouvelles… Le monsieur qui nous contrarie sur la route un despote tout-puissant qui nous empêche de vivre…

Sans « voir » explicitement ces images, nous reconnaissons toutefois qu’il y a alors quelque chose d’anormal dans notre perception. Fascination, répulsion. Quelque chose d’exagéré dans nos enthousiasmes, nos craintes, nos réactions.
N’en tirons pas pour autant la conséquence que notre perception est erronée. Bien au contraire, l’apparente disproportion de notre ressenti est une indication précieuse que quelque chose se joue là, en ce moment de notre vie.

L’inconscient est polyglotte… et plus que ça

Évidemment, dans ce cadre écrit, il est plus commode d’évoquer le travail par les mots. Mais ce n’est qu’un aspect du travail, ce n’est qu’un angle d’attaque.

Selon les personnes, l’inconscient n’a pas les mêmes « circuits préférentiels ». Pour certains, c’est plus visuel. Pour d’autres, c’est plus sonore. Pour d’autres encore, ça passe beaucoup par le rapport à l’espace. Et ainsi de suite. Dans tous les cas, c’est toujours transversal, et ça implique le langage. C’est de l’ordre de la relation.

Les mots, la parole, ont cette caractéristique de pouvoir créer des combinaisons riches et complexes. Mobiles. Et ils ont largement contribué à forger notre psychisme, notre perception du monde. Le cerveau humain ne se conçoit pas sans langage. Tous autant que nous sommes, nous y avons accès. Avec nos propres références.

« Dans mon rêve, j’étais dans la maison de ma grand-mère, et il y avait un sanglier. Et j’ai compris que je me sentais tenue par les liens du sang. “Sang-lier”. »

Ça semble évident ? Ou n’importe quoi ? Personnellement, je n’y avais pas pensé. Mais quand cette personne m’a raconté ainsi son rêve, il n’y avait rien à y redire.
Ça marchait bien pour elle ? Très bien. Ça lui semblait juste.

Impeccable. On avance.

Il n’y a pas de « traducteur automatique » pour les productions de l’inconscient. Bien sûr, certains « symboles » sont assez universels, et il ne peut pas faire de mal de s’y intéresser un peu.

Sortir de l’angle mort…

Regarder un peu du côté des symboles, cela a la vertu – comme les petits jeux proposés plus haut – d’activer le fonctionnement subconscient, de mettre en éveil des liens entre la pensée conceptuelle et la pensée analogique. Bref, de nous placer dans des dispositions qui faciliteront l’intégration des contenus inconscients.

Mine de rien, quand on est tout seul face à soi-même, ces rapprochements ne sont pas toujours faciles à percevoir.

*

Une tendance, un mécanisme de défense, voulait refouler quelque chose.
Malgré cela, ce quelque chose, par des détours, a accédé « à la surface ».

C’est l’acte manqué.

(ou plus généralement : le symptôme.
Et s’il est sur le point d’y accéder : l’angoisse)

Et bien maintenant, cette même tendance, qui voulait refouler, va probablement nous empêcher de remarquer ce qui a émergé.
Nous empêcher d’en prendre connaissance, de le considérer, de voir le rapport.

En fait, c’est ça aussi le refoulement.

*

C’est bien parce qu’il existe un tel angle mort que les thérapeutes sont là avant tout pour tenir un miroir.

On pourra alors apercevoir des choses que l’on ne voyait pas jusque là. Se découvrir un nouveau point de vue, se l’approprier, et l’utiliser ensuite en toute autonomie. Se découvrir de nouvelles perspectives.

On va apercevoir de nouvelles choses, mais on ne va pas forcément s’en rendre compte tout de suite : dans le cadre d’une thérapie, il y a bien souvent des « prises de conscience inconscientes » qui peuvent être très efficaces…

À chacun sa façon de sentir, tout le monde n’a pas besoin de « conscientiser » dans la même mesure.

Par ailleurs, le travail de la thérapie ne s’appuie pas uniquement sur les mots, les symboles, et leur usage. Une grande partie de l’effet thérapeutique passe par le rapport à la présence et à l’absence, par le rapport à la distance, à l’altérité. À la confiance.

Nous parlons ici de la relation humaine. Et de la façon dont elle peut se déployer, aujourd’hui, et nous avec.

Parce qu’à la fin c’est quand même ça qui nous émeut, non ?

 


 

 

(1) NB : on évoque ici l’ « inconscient » comme un agent, un personnage.
En toute rigueur, il faudrait à chaque fois parler plutôt de « mécanismes échappant à la perception consciente », de « dynamiques involontaires », de « chaînes causales non identifiées »… Bref, utiliser des périphrases moins évocatrices.
Mais aussi moins jolies, moins fluides, et probablement moins efficaces.

Donc on va dire « l’inconscient ».

Pas de panique, c’est juste une façon de dire.

(2) Les doigts sont une cible privilégiée des petits accidents. Ils ont tous leur petit nom, ce n’est pas pour rien. Quel doigt est atteint ? Quelle est sa fonction symbolique ? Porter l’alliance, nettoyer l’oreille, montrer..?

On est surpris de voir comment des portes s’ouvrent, quand on ne néglige pas les indices évidents…

(3) On pourra décrire cela, selon les cadres de référence, en parlant par exemple de « régression formelle » ou d’« activation des archétypes ».

 


 

Merci à Javier Pérez de m’avoir permis d’utiliser l’une de ses créations pour illustrer cet article.

Vous pouvez découvrir ses œuvres sur instagram.com/cintascotch et sur son site javierperez.ws.

 

 

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